dimanche 4 juin 2017

Question d'osmose et de diffusion dans les gels

 La gastronomie moléculaire a popularisé les perles d'alginate à coeur liquide, ce que certains nomment des faux caviar, au point que  cette préparation est devenue un des signes de la "cuisine moléculaire".
En réalité, les perles d'alginate s'apparentent plus à des oeufs de saumon qu'à du caviar, en général ; et il y a aussi  les perles bien plus grosses, qui, elles, vont jusqu'à la taille d'un pamplemousse, mais avec une préférence des cuisiniers pour des objets de la taille d'un petit jaune d'oeuf.
Comment faire ces objets ? Il y a tant de recettes de perles d'alginate sur internet que je renvoie vers ces sites  (y compris les miens) ceux qui veulent en produire. Avec un conseil : la perlification "inverse" est souvent préférable, parce qu'elle conduit à des perles dont la peau reste mince, au lieu d'avoir une peau qui s'épaissit

Aujourd'hui, toutefois, on m'interroge sur des questions de conservation :

  "Le problème que j'ai est un problème d'osmose ... Mes billes se vident de leurs colorants ; j'ai testé un panel de liquides de conservation (eau sucré ou sirop de même concentration en sucre que la solution à sphérifier, la solution à sphérifier elle même ...). Le colorant de la bille se vide dans le liquide de conservation ; et les billes se vident si elles n'ont pas de liquide de conservation ... Auriez-vous un conseil à me donner ?"

Analysons calmement, en commençant par cette "osmose" qui a lieu quand deux solutions sont séparées par une membrane "semi-perméable". Imaginons un tube en U, avec, en bas au centre, une telle membrane, et, à gauche de l'eau pure, mais de l'eau sucrée à droite, par exemple. Une membrane semiperméable parfaite  ne laisserait passer que l'eau mais pas le sucre. Alors on verrait le niveau du liquide s'élever dans le compartiment avec l'eau sucrée , et le niveau du liquide baisser dans l'autre compartiment. Souvent, les étudiants apprennent que l'eau migre de la solution la moins concentrée vers la solution la plus concentrée, "afin" de diluer cette dernière. Il y a là deux erreurs : d'une part, l'eau ne veut rien, de sorte que le "afin" est un erreur téléologique ; d'autre part, l'eau migre en réalité de gauche  à droite tout aussi bien que de droite à gauche, et c'est seulement que la migration a plus lieu dans un sens que dans l'autre, qui explique les variations de niveau.
Cela, c'est pour une membrane semi-perméable parfaite, mais la peau des perles d'alginates à coeur liquide est-elle une membrane semi-perméable ? Non !
Car la peau d'une perle d'alginate, c'est une mince couche d'un gel fait d'eau piégée dans un réseau composé de molécules d'alginate pontées par des ions calcium. Il faut imaginer que l'on a comme un grand filet avec des trous, donc. Dans les trous, de l'eau, et cette eau peut être chargée de solutés, qui sont par exemple des molécules d'un colorant, ou des molécules de sucre. Pas étonnant, donc, que notre correspondant voie son sucre ou son colorant diffuser !
Evidemment son idée de stocker les perles dans un liquide de même force osmotique que les perles est bonne, parce que l'on peut ainsi éviter l'éclatement ou le ratatinement, mais on n'évite pas la diffusion dans les gels.


 Deux gelées de gélatine, avec une pincée d'un colorant bleu en poudre posée sur le centre de la partie supérieure du gel. La diffusion se fait plus ou moins rapidement selon que le gel est plus ou moins ferme, et la vitesse de diffusion est de l'ordre de un centimètre par jour.


Alors, la solution ? Ce qui est inévitable étant inévitable, autant ne pas perdre trop de temps à l'éviter. Pourquoi ne pas simplement avoir à l'extérieur des perles un liquide de même composition que l'intérieur des perles ? Il migrera dans les deux sens, de sorte que la composition des perles ne changera pas...

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